26 juin 2009

LE CENTRE FRANCOPHONIE de BOURGOGNE A VU

« Bleu blanc vert » de la Compagnie El Ajouad à La Fabrique à Valence.

Kheireddine Lardjam a mis en scène le livre de Maïssa Bey « Bleu blanc vert » édition de L’Aube. Les deux acteurs Malika Belbey et Larbi Bastam jouent juste avec émotion et talent, émotion renforcée par les chants intermèdes de Samir El Hakim.


Kheireddine est un jeune metteur en scène algérien plein de talent et de sensibilité. Ses mises en scènes ne laissent jamais les spectateurs insensibles. Un moment de théâtre qui retrace les heures sombres de l’Algérie, mais pas seulement (voir le compte rendu du livre ci-dessous).
La compagnie El Ajouad (Les généreux) jouera cette pièce à Limoges, fin septembre 2009, à Larc au Creusot en mars 2010 et serait invitée par plusieurs centres culturels français de la Méditerranée.
Cette compagnie veut faire découvrir des textes d’auteurs algériens contemporains. « Bleu blanc vert » est une belle réussite.
------------------------------------------------------------------
Bleu blanc vert de Maïssa Bey est un roman fort et dense. Le récit est construit en duo : lui et elle et en 3 époques.
- 1962-1972 -1972- 1982 - 1982- 1992
Lui, c’est Ali, elle c’est Lilas (ou Leïla). Deux Algériens qui vivent et racontent tour à tour l’évolution de l’Algérie : la guerre de libération, l’indépendance, la bureaucratie, les difficultés de logement, les profiteurs du régime, les pénuries pour la masse des gens, la révolution, l’islamisme, l’insécurité au quotidien, la répression, le poids des traditions,.
A travers leurs vies, leurs mariages, l’Algérie défile de l’intérieur.
Livre authentique, sincère, très lucide, une contribution à la nécessité pour chaque être de vivre libre. En fait, c’est un livre très proche de l’autobiographie.


---------------------------------------------------------------------
Maïssa BEY est un des auteurs féminins algériens francophones de 1er plan avec Assia Djébar et Malika Mokeddem. Ses écrits sont de qualité et souvent porteurs de valeurs.
Enfant de la colonisation, donc nourrie de la langue française, Maïssa Bey a été professeur de français, puis conseillère pédagogique avant de se consacrer à l’écriture.
Le fonds francophone (4000titres) du Centre Francophonie de Bourgogne, situé à Le Breuil (bibliothèque municipale) possède la plupart des livres de Maïssa Bey.
« Au commencement était la mer », un roman plein d’émotion et qui nous incite à rejeter la bêtise. « Sous le jasmin de la nuit », « Pierre sang papier ou cendre », des romans qui chaque fois nous laissent différents. Maïssa se présente dans son dernier petit livre : « L’une et l’autre ».

17 juin 2009

Trois questions à Mira Falardeau, critique et artiste québécoise.

1:Vous êtes québécoise et artiste, qu'espérez-vous de la francophonie ?
La Francophonie est un concept très abstrait pour les gens qui sont reliés à la France à cause de leur passé colonial, ce qui est notre cas au Québec. Contrairement à d’autres pays de langue française, tels la Suisse ou la Belgique, le Québec, même si le français est sa seule langue officielle, ressemble à ces pays d’Afrique qui ont gardé le français comme l’une de leurs langues officielles même s’ils parlent dans une autre langue : la France est souvent associée dans nos têtes à la francophonie. C’est d’elle que nous avons reçu les manuels scolaires qui ont bercé notre enfance, c’est la littérature française que l’on m’a enseignée pendant mes études classiques durant les années 60, et non ma littérature nationale. Il a fallu que je devienne adulte pour enfin réaliser que la littérature québécoise existait et que des auteurs majeurs avaient ressenti et décrit mon pays entre 1940 et 1970, contrairement à ce que certains prétendent. Je fais partie des artistes qui dessinent et publient des essais sans aucun autre espoir que d’être lue dans mon pays, même si de mon côté, je me tiens au fait de la littérature française actuelle et que je lis tout ce qui se publie dans mon domaine en France. C’est un mouvement à sens unique. J’ai eu l’occasion récemment de donner des conférences en France, entre autres durant un colloque international sur l’humour et la seule personne qui s’est adressée à moi à la fin de la conférence était une italienne, en charge d’une revue à Rome, qui me demandait de publier dans sa revue. Les gens rencontrés récemment dans le cadre d’une tournée pour le prix France-Québec sont une élite absolument non représentative de l’intérêt des Français pour les cultures hors France. Je connais plusieurs bédéistes qui ont réalisé l’un de leurs rêves les plus chers en publiant en France, et leurs albums ne sont mêmes sortis des cartons pour aller dans les rayons des libraires français…Et les exemples se succèdent, je ne peux tous les énumérer. Donc, pour résumer, je n’attends rien de la francophonie qui est un concept pour le moins abstrait pour la majorité des gens, et qui est un concept vide pour les gens comme moi, qui n’ont rien à en retirer. J’aimerais qu’il en soit autrement, mais je crois que l’histoire explique en grande partie le dépit et la frustration constante que les anciennes colonies conservent d’une part, et l’attitude hautaine que les anciens colonisateurs conservent d’autre part.

2:Vous avez publié plusieurs études sur la BD québécoise, pouvez-vous nous la définir ou la présenter et nous dire la différence, si différence il y a, avec la BD belge ou française ?
Les BD belges et françaises sont les plus connues et les plus lues du monde (Astérix et Tintin, pour ne nommer qu’eux) et la comparaison sera de toutes façons inégale. Si l’on ajoute à cela le fait que les BD québécoises sont systématiquement rayées des listes d’achat des bibliothèques scolaires depuis 40 ans au profit des BD franco-belges, et qu’elles commencent tout récemment, depuis à peine une dizaine d’années, à être commandées par les bibliothèques municipales, vous comprendrez que là aussi, la comparaison se fait en terme de lutte que nous menons depuis près de 20 ans pour faire reconnaître notre art, au moins dans notre pays. Cela ressemble étrangement à ce qui s’est passé avec la littérature des années 60, n’est-ce pas ? Comme s’il fallait toujours se battre pour juste s’exprimer dans notre pays. Il faut croire que l’attrait d’un marché comme le Québec est intéressant pour les éditeurs français et belges. Donc, lorsque nous aurons un public qui lit nos œuvres et non seulement des auteurs qui publient en cercle fermé, nous pourrons parler des caractéristiques de notre art.
Vous avez dit différence ? Eh bien, lorsque la BD québécoise aura la chance d’exister comme un art à part entière dans son propre pays et c’est ce à quoi nous travaillons, nous pourrons parler de différences. Pour le moment, les auteurs se cherchent, comme dans plusieurs petites nations. Ils se découragent, génération après génération et se tournent vers des métiers plus payants tels l’animation et les jeux vidéo, dans lesquels nous avons une grande expertise. Telle est l’histoire de la BD québécoise.

3: Vous êtes aussi artiste, vous avez réalisé un album " La meunière assassinée", qu'est-ce qui a guidé votre travail ?
Ce qui a guidé mon travail pour élaborer « La Mercière Assassinée » est que je désirais faire sortir la BD québécoise de l’anonymat total et de l’aveuglement des libraires qui préféraient mettre en vente des Lucky Luke et des Schtroumfs plutôt que des inconnus, bizarres tout de même, bref je me suis dit qu’avec le nom d’une grande écrivaine, j’avais plus de chances. Il se trouve que ma famille et donc moi-même, connaissions très bien l’écrivaine Anne Hébert et je lui ai simplement demandé l’autorisation de mettre son texte théâtral en BD, ce qu’elle a accepté avec joie, connaissant mon travail de bédéiste à l’époque. Ensuite, j’ai produit une dizaine de planches de BD que je lui ai fait parvenir. Elle les a approuvées et fut même très emballée de voir son imaginaire en images…
Un an plus tard, j’ai pu aller la rencontrer avec l’ensemble des planches, que je lui ai demandé de parapher l’une après l’autre. Puis, ce fut le travail de finition, qui fut si long que j’étais en train d’encrer la dernière case et de pouffer un immense soupir de soulagement quand j’ai entendu aux nouvelles qu’Anne Hébert venait de mourir. Quelle étrange coïncidence ! Elle n’aura jamais vu l’album terminé mais je suis sûre qu’elle l’aurait apprécié. Voici mon histoire comme je la ressens. Je vous prie de la publier intégralement.

MIRA FALARDEAU - Notice biographique
Spécialiste de l’image comique (caricature, bande dessinée, dessin animé, multimédia, image web), Mira Falardeau est à la fois historienne de l’art et dessinatrice d’humour. Elle a publié de 1976 à 2003 dans divers journaux et magazines des BD et des dessins d’humour. Elle a proposé une grille d’analyse de l’humour visuel dans sa thèse de maîtrise en histoire de l’art (L’humour visuel : pour une analyse des images comiques, Université Laval, 1978) et a mis cette méthodologie en pratique dans sa thèse de doctorat La bande dessinée faite par les femmes en France et au Québec (Sciences de l’Art, Sorbonne, 1981). Elle a enseigné dans divers cégeps et universités.
En tant que conservatrice, elle a monté entre autres en 1997 Les Aventures de la bande dessinée québécoise, exposition rétrospective au Musée National des Beaux-Arts du Québec et Les débuts de la bande dessinée québécoise de 1904 à 1908 à la Bibliothèque Nationale du Québec à Montréal, au printemps 2004, (Rimouski, nov. 2004, Val d’Or, juillet 2005). Elle a rédigé les textes de Les parlementaires à travers le miroir de la caricature (Bibliothèque de l’Assemblée Nationale, 2005). Enfin, elle signe Les histoires en images : ancêtres de la BD, une exposition sur les histoires en images dans la presse satirique du 19e siècle et des débuts du 20e siècle au Québec pour la Bibliothèque Nationale et Archives du Québec qui s’est tenue à la Grande Bibliothèque de Montréal de janvier à juin 2008 (Québec, 2009).
Elle a publié La bande dessinée au Québec (Boréal, 1994) et Histoire du cinéma d’animation au Québec (Typo/VLB, 2006). Elle publie en 2008 Histoire de la bande dessinée au Québec chez VLB. Chez le même éditeur, elle vient de terminer une Histoire de la caricature au Québec en collaboration avec Robert Aird, à paraître en 2009. Elle mène actuellement actuellement une recherche sur Femmes et humour, Les femmes créatrices dans l’humour médiatique : caricature, BD, cartoons, jeux vidéo, TV, web.

Les visiteurs du blog

Publication C.F.B

Publication C.F.B
Pour en savoir plus: "classement thématique" du site