21 janvier 2010

LA SEMAINE DE LA DIVERSITE

Rétrospective


Présidée par Claude Thomas, l’association Centre Francophonie de Bourgogne, a pour habitude d’organiser diverses manifestations où la rencontre, la création et le dialogue, sont très souvent les mots d’ordre.

L’événement qui se déroule jusqu’à vendredi à la salle du Morambeau du Breuil s’inscrit parfaitement dans cette logique.

La semaine de la diversité est un mélange de débats, de discussions entre professionnels et jeunes, de témoignages, d’animations, de repas à thèmes et de spectacles portant en fait sur la richesse de la diversité sous toutes ses formes. Puisque, qu’elle soit culturelle, humaine ou bien religieuse, celle-ci ne peut qu’être bénéfique.

Bénéfique pour les adultes comme pour les plus jeunes. Les jeunes étaient d’ailleurs au centre du thème abordé ce mercredi. Un thème qui a donc bien fait ressortir le côté primordial et bénéfique du phénomène de diversité.

Primordial tout d’abord puisque, les discussions ayant eu lieu hier tout au long de l’après-midi, ont soulevé l’idée que la diversité signifie certes la distinction entre plusieurs individus ou plusieurs groupes mais que cela impose également de respecter les différences de chacun, en ne portant absolument aucun jugement sur les convictions de l’individu, qu’elles soient ethniques, morales ou physiques.

Enrichissant ensuite parce que c’est de ce phénomène que découle une intégration durable et solidaire, aujourd’hui cruciale pour les jeunes se cherchant une place dans la société.(in Creusot-infos.com)
Mardi 24 novembre 2009 : La diversité culturelle
Claude Thomas, président du Centre francophonie de Bourgogne précise les objectifs de la semaine de la diversité :
Provoquer la rencontre, vaincre la peur, développer la tolérance, amorcer le dialogue pour mieux vivre ensemble, car l’objectif profond, notre valeur référence, c’est l’homme.


Monsieur Mohamed Larbi HAOUAT, vice-président de l’AFAL, rappelle la nécéssité pour la francophonie de faire valoir ses droits, à savoir utiliser le français dans les instances internationales. C’est aussi une manière de respecter les autres langues et la diversité culturelle.



L'historien Marcel Dorigny expose avec démonstration à l'appui, les différentes époques et modalités de la traite de Noirs et les répercutions dans les Caraïbes.

Monsieur Launay, chercheur au CRNS, et Nicole Launay, enseignante, spécialistes de la Guyane, parlent de ce département cosmopolite, au fort multiculturalisme, et précisent qu’un tiers des enfants arrivant à l’école ne savent pas parler français.



Mercredi 25 novembre 2009 : La diversité chez les jeunes


Les jeunes du lycée Hilaire du Chardonnet de Chalon (71) et leur professeur, Denise Bousquet, montrent en vidéo leurs actions humanitaires au Niger, et aux Philippines, dans un foyer de jeunes filles abusées.



Le jeune écrivain Thomté Ryan, franco- tchadien, montre dans un dialogue avec une jeune lycéenne du lycée Léon Blum du Creusot qu’être jeune des banlieues n’est pas être condamné à l’échec automatiquement .

La projection d’un document socio-culturel de Michel Meiffren intitulé «Parcours croisés» a mis en avant les réactions dejeunes chalonnais de toutes origines.

Christian Revenu, directeur de la Régie des quartiers du Creusot (71), montre l’importance d’une régie de quartier : création d’emploi, insertion professionnelle et cohésion sociale. Une régie est une porte d’entrée entre deux mondes qui ont du mal à se rencontrer.

Jeudi 26 novembre 2009 : la femme dans la diversité
Safia Otokoré, vice-présidente de la Région Bourgogne, a rappelé qu’ « une société qui s’occupe de ses femmes est une société qui grandit et s’enrichit ».







Evelyne Couillerot, 1ère vice-présidente du Conseil général de Saône et Loire n’a pas manqué de dire que « les femmes sont une diversité en elles-mêmes et pas une infériorité ».


Yvette Gressard, une militante de longue date des Droits des Femmes, a soulevé la nécessité de poursuivre la lutte pour l’égalité des chances et à ne pas déserter le combat.



Nathalie Bonnot, déléguée départementale aux Droits des femmes et à l’égalité, a rappelé, chiffres à l’appui, « que la parité entre hommes et femmes est loin d’être atteinte ».


Nadia Chafik, universitaire et écrivain marocain (Rabat), présente les statuts des femmes au Maroc (matriarcat, patriarcat) et dit que le nouveau code de la famille fera que les différences s’effaceront peu à peu mais ce sera long et inégal sur le territoire.


Puis dans un dialogue avec Véronique Tadjo, écrivain (Côte d’Ivoire), ces deux écrivains africaines, ont bien précisé qu’il y a des Afriques et que les situations des femmes sur ce continent sont très diverses.



La jeune Maria GALLO, de l’ESAT de Le Breuil, a montré que l’intégration pour les personnes porteuses de handicap est réalisable par le travail.




Vendredi 27 novembre 2009 : la diversité dans la religion


«Présente-moi ta religion», tel était précisément le thème abordé le vendredi, à l’occasion du dernier après-midi de discussions de cette semaine initiée et mise en place par le Centre Francophonie de Bourgogne. Pour parler de ce thème, ce sont deux personnalités importantes dans le domaine de la religion qui se sont présentées devant l’assemblée. En fait, elles représentaient deux religions différentes..


L’un étant le père Dominique Oudot, vicaire de l’évêque d’Autun et donc de confession chrétienne, et l’autre Monsieur Mahmoud Zuhair, directeur de l’Institut Européen des Sciences Humaines et de confession musulmane. Ayant notamment exposé leur concept de la religion et leur propre définition de la foi, ils ont aussi insisté sur un point important, à savoir celui que la diversité s’observe au sein même d’une religion

mais que cette diversité n’empêche en aucun moment l’existence de liens très forts voire même fraternels.

C’est d’ailleurs cette idée de richesse de la diversité qui prédominait à l’issue de la manifestation en place depuis mardi et fut, pour une première, une réussite incontestable.


La semaine de la diversité s’achève de belle manière par un concert, sorte de voyage musical poétique, voyage magique, autour de la Méditerrannée (chants tziganes, berbères, grecs, yiddish, yéménites…) avec la voix merveilleuse de Natasha Bezriche.


Une semaine de partage, d'écoute , de rencontres et de dialogues à travers les débats, les animations (danses et calligraphie), les repas des nationalités, les spéctacles et l'espace librairie.
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Cette importante manifestation humaniste et conviviale a pu se réaliser grâce au soutien des partenaires suivants que nous remercions: L'ACSE (le plus important), le CUSC, le conseil Régional de Bourgogne, le fonds d'intervention culturel de la Communauté Creusot Montceau, le conseil général de Saône et Loire, le ministère des Droits des femmes et de l'égalité, le Crédit Agricole.
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20 janvier 2010

LE CENTRE FRANCOPHONIE DE BOURGOGNE présente ses voeux à tous ses visiteurs.
Puisse 2010 apporter à chacune et chacun d'entre vous, santé, joie, épanouissement et à l'humanité, l'esprit de paix, de tolérance et de fraternité, dans une diversité riche de possibilités.

10 janvier 2010

La couturière - Francine ALLARD

Titre : "La couturière"
tome 1 :" Les aiguilles du temps"
tome 2 : "La veangeance de la veuve noire"
Auteure : Francine Allard
Genre : roman
Editeur : Les trois Pistoles (Québec)

Francine ALLARD, écrivaine, poète, artiste québécoise

Présenter Francine Allard n’est pas une exercice simple tant cette auteure embrasse des domaines très variés.
Née en 1949 à Verdun, ville limitrophe de Montréal à l’époque, Francine Allard, bénéficie de l’ouverture d’esprit de ses parents et dès lors sa formation s’en trouvera très étendue. Elle fait du théâtre, perfectionne sa voix, remarquable dit-on, entre au Conservatoire de musique et d’Art Dramatique, obtient un DEC en sciences humaines, étudie la philosophie, devient choriste à radio Canada, réussit le diplôme d’enseignante, prends en charge des enfants handicapés.
Parallèlement, débordante d’activité, elle étudie l’aquarelle, la poterie et participe à des expositions de groupes.
Chroniqueuse, un temps humoriste, cette forte personnalité, très ancrée dans son époque, prend position avec passion aux débats de société, comme celui récent de la réforme des programmes de l’enseignement.
Mais c’est aussi et surtout une écrivaine de grand talent. Ses romans (jeunesse et adultes) ne laissent pas insensibles. On sent derrière le trop plein d’énergie, un sens de l’autre, une ouverture, une sensibilité, une écoute, en somme une réalité humaniste.
Poète, « Au bout du quai », « Vocalises sur un sanglot », ses mots nous attrapent, nous bousculent et on se retrouve « tout chose ».
« Ne plus entendre les gémissements indigestes
de nos géniteurs frustrés
» in Vocalises… Et Vlan !!!!

Aujourd’hui, Le Centre Francophonie de Bourgogne a le plaisir de présenter les 2 tomes déjà publiés de sa trilogie « La couturière », ouvrages auxquels nous souhaitons de nombreux lecteurs.

Deux livres passionnants à lire et à offrir.

- Tome 1 « Les aiguilles du temps »

Le récit de cette trilogie annoncée commence en 1910, à Lachine, sur les bords du Lac St Louis au Québec, boulevard St Joseph.
Adelina Trudel, mère d’Emilia, met au monde un garçon, Victor, mais meurt en couches. Donatienne Crevier, la sage-femme, qui aime Josephat, le père, se mettra discrètement en ménage avec lui mais ne deviendra jamais sa femme, à son grand désespoir. Blessure qu’elle portera toute sa vie. Cependant, elle aura le temps de donner la passion de la couture à Emilia qui en fera son métier par la suite et s’affirmera comme créatrice bien en vue.
Ce roman qui se lit aisément dresse le destin de deux femmes: Emilia et Donatienne.
Pendant la crise, de familles aisées en familles riches, Emilia assurera les toilettes des mariages et du même coup aidera sa propre famille à survivre. Déçue par des prétendants inconstants, en recherche continuelle d’affection due au manque d’amour maternelle, elle rencontrera l’amour en Louis Turgeon, malencontreux chauffeur de bus que Victor, le frère d’Emilia ira percuter, un soir d’euphorie.
Donatienne, enceinte, quittera, elle, discrètement Lachine, après le décès de sa mère et son désamour, et, en femme avisée et concrète, se lancera dans l’herboristerie et la fabrication du cidre, même si les pommes au début sont « empruntées » avec le complicité du moine Michel, son amant, au couvent voisin. Poussée par ses « amis » Indiens, elle acceptera la distillation du cidre en calvados avec les risques encourus de la prohibition.
Récit bien mené, descriptions précises et imagées, Francine Allard, en écrivaine de talent, a le don de l’écriture et l’art des chutes et des rebondissements. Un roman qui nous transporte dans ce Québec qui nous est cher. Un régal.
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- Tome 2 « La vengeance de la veuve noire »

Ce 2ème tome poursuit en parallèle la vie des deux héroïnes : Donatienne Crevier et Emilia Trudel.
Donatienne développera ses connaissances en botanique et deviendra une soignante par les plantes très recherchée. Son herboristerie, célèbre dans toute la région, fera vivre son fils Joseph et la belle famille dede ce dernier. Mais cette vie de réussite ne se fera pas sans drame. Son amant, un ancien moine passionné de botanique, retournera au couvent pour l’amour des plantes, une gloire espérée et l’argent. La vengeance de Donatienne sera alors impitoyable.
Courageuse, elle couvrira, seule, la distillation interdite de l’alcool et sera internée. Même en prison, son aura attirera les êtres en perte de repères et recueillera chez elle une ancienne prostituée.
Cette femme de caractère évitera à son fils la conscription et n’hésitera pas à aller jusqu’au meurtre pour le protéger contre les autorités. Une femme d’exception.
Emilia, avec le même sens de l’indépendance, remarquable à une époque machiste, deviendra une créatrices de mode que les dames riches s’arracheront non sans être frappée, elle aussi, par des épreuves douloureuses : le décès de son frère au-dessus de la Hollande, la dérive fasciste et criminelle de Louis, son mari. Heureusement, elle trouvera la paix dans les bras d’un homme bon et attentionné, s’achètera une voiture au mépris des bonnes manières sociales, et peut être ce véhicule facilitera-t-il, dans le 3ème tome, intitulé « La persistance du romarin », la rencontre avec celle qui fut un court temps sa « mère », l’herboriste Donatienne !

Deuxième tome que l’on dévore avec bonheur.
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Vous pouvez écouter Francine Allard parler de ses oeuvres sur

http://www.youtube.com/user/MEMOIREVIVEfallard

7 janvier 2010

Cinq questions à Francine ALLARD (Québec)



De nombreux écrivains, artistes francophones, de grand talent, sont souvent, hélas, méconnus au sein de la Francophonie.
Le Centre Francophonie de Bourgogne a eu le bonheur d’en recevoir un certain nombre. Mais beaucoup d’autres méritent amplement notre attention. Francine ALLARD, est de ceux-là. C’est un honneur pour nous de lui donner la parole dans notre rubrique " Les artistes francophones ont du talent ".







Cinq questions à Francine ALLARD, écrivain, poète et artiste québécoise.



1) Francine Allard, vous êtes québécoise, et le Québec a joué un rôle actif dans la constitution de l’espace francophone, qu’attendez-vous personnellement de la Francophonie ?

En 2008, j’ai participé à la XVIIème Conférence internationale des peuples de langue française qui se tenait au Québec. Je suis membre de l’Association des Écrivains francophones d’Amérique, c’est dire que la Francophonie revêt une importance majeure pour moi. Et j’ajoute qu’elle se doit d’être omniprésente pour tous les écrivains québécois puisque notre province est secouée, comme vous le savez, par des considérations politiques, étant un petit bateau francophone naviguant par vents et marées sur une mer anglophone.
Le français est en péril chez nous et l’écrivain — celui qui porte les mots — doit exercer une influence plus grande que dans n’importe quel pays francophone. Je porte ce désir d’un pays indépendant comme une mère aimante désire l’affranchissement de son enfant. Je collabore également au bulletin de l’Association pour la sauvegarde et l’expansion de la langue française (ASSELAF) qui siège à Paris, représentant le point de vue d’une écrivaine québécoise.
Au Québec, diverses littératures francophones se fréquentent et viennent titiller nos racines multiples et notre esprit humaniste. Les écrivains de toutes origines reçoivent au Canada francophone un accueil exemplaire.
En tant qu’écrivaine à multiples facettes, je suis la première à profiter de l’influence généreuse des créateurs du monde. Mes romans pour les jeunes ont mené mes petits lecteurs en Écosse, au Mexique, en Afrique, même si je n’y suis jamais allée. Une collection de guides Michelin et du Petit routard ornent ma bibliothèque personnelle et m’aident à rendre les voyages très proches de la réalité. Comme si on y était ! Mes romans d’époque, dans le Québec montréalais et campagnard, La Couturière, démontrent ce que le français a fait de mieux pour l’intrusion du Québec au monde francophone international. La contribution de ma littérature à ce fait sociopolitique mondial est désormais incontestable et je m’en réjouis. Faire partie de la littérature francophone internationale est le plus grand bien que je me souhaite pour 2010.

2) Dans vos œuvres, vous abordez des sujets peu traités en littérature : la psychiatrie, l’enfance handicapée, est-ce par formation, par compassion ou par humanité?

Je n’écris pas de la littérature jeunesse pour uniquement amuser les enfants. Comme la plupart des romans pour les jeunes sont écrits par des «vieux», je suis toujours étonnée de constater que beaucoup d’auteurs d’ici passent outre la qualité de la langue pour faciliter la compréhension des jeunes. Pour qu’ils ne se sentent pas seuls au centre de leurs imbroglios, ces auteurs tentent, par la complaisance, de nouer des liens avec leurs lecteurs. L’auteur parle comme eux, les place dans un monde familier, leur présente des situations qu’ils connaissent, sans jamais les mener plus loin ni leur demander l’effort nécessaire pour avancer. Il y a maintenant une littérature pour l’enfant devenu roi. Je tente de m’en dissocier.
Me voici donc avec des romans littéraires (déjà une différence) qui parlent aux enfants des vieillards, de la consécration de l’enfance, si je puis dire, mais aussi du respect de l’adulte. Dans mes romans, les enfants n’ont pas toujours raison et ils sont placés devant leur propre miroir et doivent apprendre à juger leurs actions. Je leur parle aussi des enfants handicapés intellectuels (Deux petits ours au milieu de la tornade – éd. Vents d’Ouest ; La dernière course de Mado Bélanger - éd. Québec-Amérique) ; de la différence (Une fleur entre deux pierres – éd. Marcel Broquet ; L’Univers secret de Willie FlibotHMH Hurtubise) sans négliger toutes mes collaborations à des collectifs dans lesquelles je traite d’Alzheimer ou de cancer infantile. J’ai aussi écrit des romans fantastiques qui ne visaient que la détente.
J’ai une formation d’enseignante auprès d’enfants inadaptés que j’ai toujours appelés «mes petites fleurs malades». Je n’ai enseigné que quelques années, mais j’ai toujours été préoccupée par les personnes dissemblables. À la sortie de mon roman Deux petits ours au milieu de la tornade, cinq journalistes m’ont parlé du début du chapitre douze qui les a marqués puisque Bertrand, le personnage principal, explique à sa mère comment se sent un enfant handicapé mentalement. C’est un passage très touchant comme si j’avais été capable d’entrer dans la tête d’un jeune handicapé intellectuel. J’ai toujours été touchée par la différence. Je me suis toujours impliquée avec ma plume, comme arme défensive plus qu’offensive, pour la protection des gens mis sur la voie d’accotement : les enfants malades ou abusés, les vieillards abandonnés, les victimes innocentes. Je le fais avec toute la poésie qui caractérise mon écriture.

Je pense que c’est le plus bel héritage que j’aurai laissé à plusieurs générations de jeunes lecteurs.


3) Vous êtes romancière, poète, vous avez fait le conservatoire de musique et d’art dramatique, vous avez enseigné, vous avez été choriste à Radio Canada, un temps humoriste, vous êtes aquarelliste, faites de la poterie, vous montez des spectacles, intervenez sur des sujets d’actualité avec passion et sans concession, qu’est-ce qui motive une telle activité débordante ?

Une activité bourdonnante vient d’une imagination débordante. Je suis de ceux qui sont nés avec le début de la culture québécoise au Canada. Ma mère m’a alors inscrite à des leçons de ballet, de piano, d’arts plastiques, de danse folklorique, de peinture et j’en oublie sûrement. Très encouragée par mes parents, j’ai été admise au Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec en chant classique, puis j’ai pu compléter parallèlement le lycée (cours classique) jusqu’à l’université en philosophie. C’est paradoxalement en côtoyant Søren Kierkegaard, Platon, Martin Heidegger, et Nietzsche que j’ai compris que je devais choisir une profession humaniste. Leurs contradictions étaient les miennes et j’ai été convaincue de devenir enseignante pour éduquer les adultes de demain.
J’étais née enseignante. Je le suis toujours demeurée. Ainsi, placée devant un groupe quel qu’il soit, je me transforme en transmetteur de quelque chose. Je dis de la poésie devant des salles combles, je donne des conférences sur les sujets les plus inquiétants et me voilà dans mon élément. Celui du croisement des regards, des signes approbateurs, des rires surtout. Comme j’ai étudié l’art de la scène, le théâtre et le chant, et que j’ai fait mes premières armes comme humoriste, je suis très à l’aise devant un public. Où je suis totalement déstabilisée, c’est quand je doute que l’auditoire me comprenne. Mon premier voyage à Nice en 2004 m’a fait comprendre que je devais quitter mon accent québécois, même si mon amoureux se moquait de mon accent du sud ! Je souffre de mimétisme aigu. Vous auriez dû m’entendre discuter avec des Marseillais et leur «assent». C’est pareil quand je vais en Acadie, au Nouveau-Brunswick. J’attrape l’accent.
J’ai besoin de m’exprimer mais aussi, de m’assurer la vie éternelle puisque celle que me promettait l’Église Catholique de jadis, est disparue en même temps que ma ferveur. Je tente par tous les moyens de laisser des traces : la dentelle, l’aquarelle, la poterie, l’écriture sont des moyens que je privilégie. Montrer ce que je suis par les choses que je fais ! Nous avons bâti un atelier d’artiste à cinquante mètres de notre maison qui s’appelle l’ANTRE de Ferron (Jacques Ferron étant un grand écrivain québécois et médecin comme mon conjoint) où j’ai installé une galerie d’art et de poésie. Les touristes qui y entrent se voient offrir un thé japonais (en l’honneur de Dany Laferrière) et peuvent entendre de la poésie, la mienne. Je vis pour la création. Et je souffre aussi pour elle.

4) Votre trilogie « La couturière » est prodigieuse, et nous l’espérons, vouée à un grand avenir, pourquoi vous êtes-vous lancée dans une saga si grandiose et qu’est-ce que vos recherches vous ont appris sur le Québec?


La Couturière (Les aiguilles du temps et La vengeance de la veuve noire) est une saga de près de 1 500 pages, publiée chez le grand Victor-Lévy Beaulieu, sans doute notre Victor Hugo à nous. J’en suis très fière. Mais que les Français puissent lire et aimer cette trilogie (La persistance du romarin, troisième tome en gestation) me comblerait de bonheur. Oui, je plonge dans le quotidien de la campagne québécoise avec le personnage de Donatienne Crevier, devenue soignante par les plantes, et Montréal, la citadine, avec le personnage d’Émilia Trudel, devenue créatrice de mode comme le fut Christian Dior.
Quand un francophone d’ailleurs lit La Couturière, il apprend tout sur le Québec, de la vie des gens en 1910 jusqu’à l’arrivée de l’Exposition universelle de 1967. Cette année-là a fait pénétrer le Québec dans la cour des grands et grâce à Jean Drapeau, le maire visionnaire de Montréal, le monde a commencé à nous entendre. À l’instar de Félix Leclerc, sont arrivés en Europe de nombreux écrivains, des chanteurs, des gens de théâtre et de cirque et des humoristes. Bien qu’il y ait encore beaucoup à accomplir pour faire connaître notre littérature en France — comme votre organisme le fait à merveille —les écrivains québécois sont en de meilleures postures qu’avant.
Je ne peux pas affirmer avoir beaucoup appris par mes nombreuses recherches sur le Québec du début du XXème siècle. Les femmes de ma vie, mes grands-mères et ma mère m’en ont tant parlé. Mais j’ai appris sur la psychologie des gens dont les enfants allaient au front pour une monarchie qui était une légende. La Grande Bretagne a donné, il y a longtemps, une petite tape sur le derrière du Canada en lui offrant aussi sa liberté. Le Québec seul a compris cela comme l’enfant le plus déluré des dix. J’ai appris cependant une chose primordiale : quand un écrivain raconte le passé, il faut qu’il sache tout, dans les moindres détails au sujet de ce passé.
C’est ce que je crois avoir réalisé en écrivant La Couturière. Le troisième tome sera accompagné d’une longue bibliographie qui attestera des nombreux manuels historiques que j’ai consultés. Mes lecteurs pourront poursuivre leur incursion dans cet univers qui a servi le mien. Je refuse cependant d’y inclure un glossaire des termes québécois. Parce que lorsque j’ai entendu Fernandel qui disait par exemple Le Curé de Cucugnan, ou quand j’ai lu Pagnol ou tous les auteurs contemporains qui utilisent l’argot parisien, j’ai simplement appris par le contexte et je veux que mes lecteurs français s’amusent aussi. Quoique la langue de La Couturière soit presque exempte de québécismes.
J’ai appris, parmi la horde immense de romans d’époque qui peuplent les librairies en ce moment, qu’il faut décupler les efforts de promotion. Le roman Les Filles de Caleb, par exemple, est arrivé à point nommé et s’est vendu à des milliers d’exemplaires. Au Québec, vu le petit nombre de lecteurs, on a un best-seller quand on vend 3 000 copies d’un roman. La Couturière a dépassé le cap des 10 000 exemplaires.

5) Vos aquarelles sont très frappantes : les couleurs, le montage, la recherche, pourquoi est-ce cet art que vous privilégiez ?

L’aquarelle a presque toujours servi, par sa transparence, à dessiner des paysages, des fleurs ou des poissons. C’est ce que l’école d’aquarelle m’a appris. Des nœuds sur les troncs d’arbres, des brins d’herbe sortant de la neige, des jardins fleuris. Ma première aquarelle représentait une grosse femme tenant une glace derrière laquelle se tenait un jeune enfant, la salive à la bouche. Il y avait plein de couleurs estompées au papier mouchoir. Je lui ai posé un passe-partout et je l’ai apportée à mon professeur. Elle avait beaucoup à critiquer en tant que technicienne, mais avouait qu’elle était subjuguée. La semaine suivante, l’éditeur Alain Stanké se servait de La grosse dame au cornet pour la couverture de mon premier roman : Ma belle pitoune en or (1995).
J’aime la folie que me permettent les arts visuels. Le pastel gras ou sec, l’acrylique, le papier fait main, les masques de semi-porcelaine sous vitrine, me permettent de m’exprimer, mais jamais comme l’aquarelle qui demande un vaste geste spontané —on ne retouche pas l’aquarelle — et se prête bien à la gestuelle contemporaine. Ainsi, en ce moment, je travaille à une collection intitulée VINO dans laquelle j’utilise d’abord la calligraphie à la plume pour inscrire des centaines de noms de vins français ou italiens (mon amoureux est un oenophile consacré) que je noie dans l’aquarelle puis j’ajoute des étiquettes et même des capsules de bouteilles en plomb que je transforme en sesterces. Le résultat est très apprécié.
Je tente de vendre à des vignerons québécois des œuvres qui nomment leurs produits portant de jolies appellations. Ce n’est pas si différent de l’écriture. Et je peux écrire en picolant un peu, non ? Vous pouvez visiter ma galerie en allant sur mon site :
http://www.francineallard.com/

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