9 novembre 2010

Accueils d'écrivains francophones

Les 15,16 et 17 octobre 2010, à l'occasion de la 12ème FOIRE du Livre du Breuil (71), ville de résidence du Centre Francophonie de Bourgogne, le Centre, en collaboration avec l' Office Municipal de la culture de la ville, a accueilli plusieurs écrivains de la Francophonie qui ont, pour la plupart, rencontré au cours du salon de nombreux lycéens, collégiens ou primaires.

Voici une présentation de ces personnalités:

Questions à
Somanos SAR (Cambodge), écrivain .

1) Vous avez vécu, enfant, le génocide khmère. Pourquoi avoir publié « Apocalypse Kmère », un livre d’une grande vérité ?
Pour ne pas oublier ?
Pour vous délivrer d’une réalité trop lourde ?

J’ai souvent remarqué que la mémoire traumatique a une tendance naturelle à se transformer en mémoire traumatisante, laquelle se transmet de génération en génération. A la fin, on souffre sans vraiment savoir ni comprendre pourquoi on est dans ce cycle interminable de tourments, sinon parce que ses parents, ses grands-parents ou encore ses arrière-grands-parents ont souffert. En fait, dans de tels cas, la mémoire devient un lourd fardeau, une malédiction, au lieu d’être une richesse.

Lorsque mes enfants sont nées, ce constat m’a fait rapidement prendre conscience que transmettre la mémoire, telle quelle, comportait des risques certains. Car évidemment la mémoire du survivant que je suis contenait du poison, celui de la souffrance et de la haine. Et pourtant, l’importance de la mémoire n’est plus à démontrer. Il est indispensable de la transmettre, sous peine de transmettre un vide incompréhensible, dangereux, encore plus difficile à porter pour les générations à venir.

Le principal objectif d’Apocalypse khmère a donc été de communiquer une mémoire lavée du poison associé. Cela consiste à dire que la mémoire est avant tout une richesse, et non pas un devoir, à dire que les souffrances endurées sont miennes, et qu’elles s’arrêtent là, sur ces pages ; que mes enfants qui les liront n’ont pas à en porter le fardeau par procuration ; que ce passé appartient an tant qu’héritage immatériel de leur lignée.

L’ouvrage a donc été avant tout un support, un début, essentiel de réflexions sur le sens que je peux donner à ma vie, mais aussi à l’Histoire des hommes, dans son ensemble.

Pour aller plus loin, consulter mon texte, le capital humain, écrit pour un colloque à Phnom Penh, en 2008 : http://somanos.fr/spip.php?article12omanos.fr/spip.php?article12.


2) Dans un second roman, « L’ombre d’un doute », émouvant aussi, votre sœur une des victimes parmi les 3 millions, y figure en filigrane. Pouvez-vous nous dire pourquoi ?

Tout d’abord, je suis heureux que certains lecteurs aient su la trouver en filigrane, en effet. D’autres sont passés complètement à travers, à mon grand regret, hélas !

L’ombre d’un doute commence par la dédicace, se poursuit avec l’avant-propos, pour se terminer dans ne cœur de celui qui portera jusqu’à la fin de sa vie le devoir de vivre. Vivre parce que justement cette sœur exceptionnelle l’a voulu, parce qu’elle s’est sacrifiée pour que son frère ait une chance de survivre. Il s’agit là d’un don de soi à l’extrême, que peu sont capables d’envisager.

J’aurai pu choisir un style plus direct pour parler d’elle, de ce qu’elle a fait. Mais de témoignage narratif, j’en ai déjà fait, à travers Apocalypse khmère. De plus, ce style n’était pas suffisant pour exprimer toute la force que je voulais donner à la mémoire de ma sœur, à travers le personnage de Stéphanie. Je voulais la faire revivre, autrement, dans un autre contexte, une autre vie, un autre pays, une autre culture, mais confrontée aux mêmes caprices du destin.

De manière plus profonde, cet ouvrage se situe dans un cheminement logique du premier, quoique peu évident, dans la mesure où il pose la question sur l’importance que chacun donne à sa vie. Qu’est-ce qui est le plus sacré ? La vie en soi, le fait de rester en vie, ou le sens que l’on veut y donner ?

Pour aller plus loin : « un autre sens du pardon », un article écrit pour un journal en ligne au Cambodge, aujourd’hui disparu, Ka-Set.info. http://somanos.fr/IMG/pdf/ka-set_-_Un_autre_sens_du_pardon.pdf

3 « Thmeng Chey », est l’histoire d’un bon petit diable cambodgien, le génocide a-t-il aussi menacé le patrimoine culturel, pour réécrire cette histoire ?

Avant toute chose, je voudrais revenir sur le terme « génocide » ; les principaux responsables Khmers rouges sont actuellement jugés ou vont être jugés pour trois chefs d’accusation :
- Crimes de guerre
- Crimes contre l’Humanité
- Génocide

Tout ceci pour souligner que le génocide n’est qu’une composante des crimes commis. Certains, qui, des années durant, ont soutenu haut et fort les Khmers rouges, auraient bien aimés se cacher derrière la seule qualification de génocide. Ce serait tellement pratique ! Mais la vérité est que le plus grand crime perpétré l’a été au nom de l’idéologie. Les Khmers rouges ont procédé à l’élimination systématique des groupes entiers de population, non par parce qu’ils étaient de telle ou telle ethnie, 95% des Cambodgiens étaient des Khmers, mais parce qu’ils appartenaient surtout à des classes sociales considérées comme nuisibles : professeurs, fonctionnaires, étudiants, militaires, marchands, etc.

En fait, les Khmers rouges ne toléraient que trois classes : paysans, ouvriers et soldats, tous devant travailler jours et nuit sans répit ni relâche. En fin de compte, ce n’était plus une société humaine, mais celle des fourmis. Alors, on comprend aisément que la culture n’avait pas sa place, comme toutes les autres composantes de la vie d’ailleurs. Travailler et obéir au Parti (Angkar) ou mourir.

Le résultat est qu’au bout de quatre ans de ce régime communiste à l’extrême, le Cambodge s’est retrouvé avec un incroyable bond en arrière. Tout l’héritage culturel khmer était au bord de l’extinction totale. La littérature a énormément perdu, puisque la plupart des livres ont été détruits ou brûlés.

Même certaines traditions orales, comme Thmeng Chey, se meurent. Les destructions laissées par Khmers rouges ont imposé chez les survivants d’abord la nécessité de survie immédiate, ensuite des pertes de repères, dues à la rupture de la chaine de transmission du capital humain.

Au-delà d’une volonté de préserver l’oral grâce à l’écrit, il y a aussi le désir de partager l’histoire de cet enfant espiègle avec un public plus large que les Cambodgien eux-mêmes. Le monde ne vaut que s’il est partagé. Et Thmeng Chey est une forme de ce partage.

Portrait d’écrivain Somanos SAR

Somanos Sar est né à Phnom Penh en 1965. Il a dix ans lorsque les Khmers
rouges marchent triomphalement sur Phnom Penh. Sa famille, par le simple fait
d’être citadine, sera considérée par le nouveau régime comme idéologiquement
irrécupérable, à l’instar des millions de Cambodgiens qui ont fait partie du monde
libre avant la chute de la République khmère, le 17 avril 1975. En moins de quatre
ans, guidé par le dogme extrême du communisme et totalement coupé du monde,
le Kampuchéa démocratique va décimer un quart de la population cambodgienne,
à coup de purges, d’exécutions sommaires, de collectivisation forcenée, de
travaux forcés.
L’utopie communiste arrachera la vie à son père, trois soeurs et un frère, soit plus
de la moitié de sa famille. En 1982, Somanos Sar finit par retrouver la trace de sa
mère, coincée en Europe pendant les tourments. Celle-ci, naturalisée française,
parvient à le faire venir à Paris, à l’âge de 17 ans. A son arrivée, il ne parlait pas
un mot de français, mais déjà, le besoin de « déposer » l’histoire de cette tragédie
est latent.
Après avoir obtenu un DESS de microélectronique à l’Université de Paris-Sud-
Orsay en 1992, Somanos SAR aujourd’hui est ingénieur, entrepreneur et
également écrivain. Au-delà de son profil transversal, à l’image de ses passions
qui sont l’aviation, l’écriture et la course à pied, la notion du capital humain est le
socle commun de ses réflexions et actions. Ainsi, sur son blog, http://somanos.fr,
Somanos SAR a écrit que la mémoire ne s’échappe pas, mais se désole de
constater un certain fatalisme la croyance que « l’histoire est un éternel
recommencement ». Cela signifie que les erreurs commises n’ont pas su servir de
leçon. Il faut donc, selon lui, s’attacher à y puiser force et richesse pour ne pas
transmettre la haine et la souffrance.
Cette démarche peut s’accompagner d’un sens particulier du pardon qui est un pas vers la réconciliation, sur des bases comprises et acceptées tous. Car
fondamentalement, les humains aspirent à faire le bien. Malheureusement cette
conviction, que chacun veut ardemment défendre, sert trop souvent à la
justification de tout, y compris à tuer. C’est donc pour mettre en lumière cette
contradiction que Somanos SAR croit profondément en la vie. Pour lui, le
bonheur est un devoir, la mémoire est une richesse. Choisir le chemin du bonheur,
c’est prendre la victoire pour soi, la prendre aux Khmers rouges, définitivement.
Et c’est ce point de vue que l’on retrouve dans son deuxième livre, l’ombre d’un
doute, récompensé par le prix littéraire Phnom Penh Accueil 2008, une fiction qui
tente de sonder le coeur de ceux qui ont à survivre aux êtres irremplaçables.
Son roman est la victoire de la vie sur la mort, quel qu’en soit le prix. Mais la vie
avec un grand V, car le devoir de vivre ne se fait qu’en son âme et conscience.
C’est un roman gai, où le mot « douleur » surgit à chaque tournant. C’est un
roman tendre, mais sans concession.
Comme au Cambodge des khmers rouges, les héros de cette histoire surgissent
puis disparaissent. Mais aussi longtemps qu’il reste une personne pour souffrir de
leur absence, le petit monde de ses personnages évolue entre morts et vivants, tant les morts de cette histoire conditionnent les actes des vivants.
Mais écrire, c’est avant tout partager, offrir au lecteur l’espace intérieur de
l’auteur, son vécu, ses expériences.
Corine JAMAR


Corine JAMAR (Bruxelles), auteure et scénariste BD, a bien voulu répondre à nos questions avant de rencontrer de nompbreux jeunes dont quelques jeunes handicapés .


1) Vous avez écrit des albums pour la jeunesse (6 à ce jour), la plupart épuisés dont le célèbre « Mémoire d’éléphants » (ed. Pépin). Pouvez-vous nous dire comment vous travaillez vos livres ?

Corine Jamar : Cela dépend. Le tout premier, il s'agissait (La princesse cachée) d'une commande. L'éditeur (Casterman) disposait des illustrations et il m'a demandé d'inventer une histoire par rapport à elles. Il l'avait demandé à un auteur confirmé avant moi qui, d'après lui, ne s'en était pas sorti. Comme j'avais travaillé une dizaine d'année comme créative dans la publicité et que j'étais donc habituée à certaines contraintes, cela ne m'a pas posé de problèmes et j'ai beaucoup aimé ce travail. Les autres ont été imaginés à partir d'une envie, d'une inspiration soudaine ou d'un souvenir. "La petite auto d'André" par exemple est inspirée d'une histoire vraie que mon père m'avait racontée. Sauf que j'ai transformé le souvenir, le récit édictant ses propres lois, et que mon père n'a que très moyennement apprécié ! "Mémoire d'éléphant" et "Aristide Lafrousse" partent d'une idée d'illustrateur à laquelle j'ai adhéré et que j'ai écrite pour eux, m'immisçant dans leur univers. J'aime quand une idée vient frapper à la porte de mon imaginaire mais j'aime aussi travailler sur la base d'une idée qui n'est pas la mienne. Il y a un côté "terra incognita" qui me plaît bien…

2) Votre dernier livre de Nouvelles « Emplacement réservé » aborde le thème du handicap. Pourquoi ce choix ?

Corine Jamar : "Emplacement réservé" n'est pas un livre de nouvelles. Il s'agit d'une énorme erreur de la part de l'éditeur (même si j'adore les nouvelles). Ce livre est une suite d'histoires courtes qui se suivent et qui met en scène une maman et sa fille handicapée. Le 12ème chapitre ne peut pas se lire indépendamment des autres: ce ne sont donc pas des nouvelles mais plutôt un roman par nouvelles. Le choix de ce thème a été évident pour moi. Ma fille aînée est handicapée. C'est donc une partie de ma vie avec elle que je raconte. J'ai choisi de le faire au travers cet emplacement réservé à la voiture pour ne pas l'aborder frontalement (et aussi parce que, comme raconté dans le livre, des voitures se garaient sur cet emplacement en s'en fichant complètement, ce qui m'a donné envie de transformer cette triste réalité en quelque chose de positif, un livre, tout en dénonçant l'indifférence l'égoïsme des gens). Ce n'est pas une autobiographie puisque beaucoup de situations sont inventées et que j'ai changé les métiers et les noms des personnages. L'humour très présent dans le livre a été pour moi une façon de désamorcer les choses, une manière de prendre le contrôle d'une situation dramatique (forcément) que le destin nous a imposé, à ma fille, à ses parents et, bien sûr, à la petite sœur qui est arrivée après ! Dans mon second livre "La reine de la fête", une enfant handicapée est présente même si le handicap n'est absolument pas le sujet. Elle entre en interaction avec le personnage principal et justifie certains de ses actes. Elle est la fille d'un personnage secondaire. Dans le 3ème que je suis en train de terminer, elle est aussi présente. Elle s'impose d'elle-même, au fur et à mesure de l'écriture, il n'y a aucune préméditation.

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