16 mai 2013

Laissez-moi parler

 Titre:     Laissez-moi parler !
 Auteure:Halima Hamdane
 Editeur: Le grand souffle  (Maroc)
 Genre:   Roman

Voici un roman curieux et originalement construit.

 
Halima Hamdane, auteure et conteuse marocaine de grand talent, au charisme authentique et chaleureux, met en scène de nombreux destins de femmes du Royaume.
Pour ce faire, elle donne la parole à une dada qui, lorsqu’elle veut donner son avis, lance ce fameux « Laissez-moi parler ! », d’où le titre de ce roman.

         Une dada, au Maroc, est une femme noire, noir charbon, qui a été enlevée, fillette, dans son village, et qui, esclave, est éduquée et devient au cours des ans, la gouvernante des familles aisées et dont il n’est pas rare de solliciter son jugement.
         Dada Hitto, c’est son nom, doit sa formation à une autre dada, sa mère par procuration en quelque sorte, dada Johara.

Yitto aura un destin étonnant. « Elle n’est pas de celle qui attendait que Dieu leur envoie une corde » (p.84). Elle saura mener sa vie et conseiller les autres femmes, même les plus fortunées.
L’un des fils de la famille qui se marie et qui l’aime en secret, l’emmène à son service. (Elle en aura d’ailleurs un enfant, Sellam).
Hitto va être le fil conducteur de ce roman qui met à nu le destin, souvent dramatique, de nombreuses femmes.

Vu le grand nombre de parcours « qui touche au creux de chaque histoire », l’auteure utilise la construction de l’enchâssement, imitant celle du célèbre « Mille et une nuits ». Nous ne relaterons pas tous ces histoires individuelles.

Mais l’intérêt de ce roman foisonnant se trouve beaucoup dans les leçons de vie et les jugements mis par l’auteure dans la bouche de ces femmes :

Le noir valait le blanc. Le jour ne peut exister sans la nuit et voilà les racistes de tous poils remis à leur place.

Et s’ensuivent des réflexions humanistes pleines de sagesse :
Chacun porte en lui ses blessures et ses manques. Sortir de la culture de la plainte (p.235).
Il n’y a pas de hasard mais des rencontres. (244)
Faire la paix n’est pas gagner une guerre. (p.248)

Il me manque l’essentiel, mes racines. C’est un gouffre que rien ne peut combler. (p.246)

Quelle richesse de vivre entre deux mondes, entre deux cultures, entre deux langues avec des racines solides. (p.248)

Les réponses sont en toi. Arme-toi de désir et d’amour et tu trouveras ton chemin. (p.248

Plusieurs constantes dans ces récits de vie :
- Le tabou autour du sexe et la religion paranoïaque de la virginité et de l’hymen (honneur suprême des familles). Comme quoi, le corps des femmes et leur intimité est bien un enjeu social qui peut aller jusqu’à la cocasserie. (Dépucelage immédiat ou attente de la famille derrière la porte des jeunes mariés).
- Les codes sociaux qui réduisent les femmes à l’obéissance, au respect de l’homme, à la bonne cuisinière et avant tout, à la génitrice.

Un roman fort pour ouvrir la voie ou la voix de l’humain, de la tolérance, de la fraternité, sans naïveté ni démission.
Ne sommes-nous pas, comme l’écrit Halima Hamdane, hantés par la LIBERTE ?

-----------------------------------

 Halima Hamdane est née au Maroc où elle fait des études de lettres et accède au poste de professeur de français au collège puis au lycée. Elle s’installe en France en 1986 et sera chargée de cours de méthodologie à la faculté d’Evry Val d’Essonne.


Ecrivain, comédienne, conteuse en arabe et en français, elle puise dans la littérature orale marocaine la majorité des histoires qu’elle raconte.

Elle se sert de la fabrication de marionnettes marocaine pour libérer la parole des femmes.

Aujourd’hui, elle se consacre à l’écriture : Sarraounia en 2002 et Laissez-moi parler en 2006 ; le chaos de la liberté en 2012 et au conte : elle conte sur RFI et anime l’Arbre à palabres au musée du Quai Branly.

Halima travaille aussi dans le cadre d’un programme d’alphabétisation pour l’apprentissage de la langue française à partir du conte.



Aucun commentaire:

Les visiteurs du blog

Publication C.F.B

Publication C.F.B
Pour en savoir plus: "classement thématique" du site