27 janvier 2018

Le poids de la neige

Le poids de la neige

            De Christian Guay-Poliquin (Edition la Peuplade-Québec)
                           (Prix France-Québec 2017, entre autres)

Prix France-Québec 2017
             D’un style limpide, linéaire, au vocabulaire accessible, Christian Guay-Poliquin, Québécois, nous décrit un Robinson Crusoé des Neiges ou plutôt deux Robinson Crusoé, dans « Le poids de la neige ».
           Ce bon et beau roman, aux abords très agréables, est rempli de symboles que nous verrons ultérieurement.

Le récit

          Dans le grand Nord canadien/québécois, non loin de la côte, un jeune homme, disons d’une trentaine d’années, absent de son village depuis longtemps, revient revoir son père, ancien mécanicien.
        Mais la neige est haute, le sol glissant et, inévitablement, le véhicule se retourne, blessant grièvement aux jambes, le conducteur.
Les secours ne peuvent venir que des habitants du village. Or, beaucoup ont fui ces conditions apocalyptiques.
        Néanmoins, on le délivre et, ironie du sort, on le confie à un homme valide mais âgé, plutôt bourru, Matthias, étranger au village dont le vœu profond est de repartir rapidement de ce lieu pour rejoindre sa femme, en ville. C’est un peu donnant donnant. S’il sauve le blessé, on l’aidera à repartir à la ville, visiter sa femme à l’hospice.
         Dès lors, c’est un huis clos à deux dans une maison réquisitionnée dont les propriétaires ont fui.
Le vétérinaire du village, improvisé médecin, et Maria, la pharmacienne, à la féminité attractive, passent soigner le blessé, donnent les médicaments nécessaires. Et, notons que la survie des deux dépend de la distribution des rations alimentaires villageoises.
       Enfermés qu’ils sont, se butant l’un à l’autre, l’atmosphère est parfois électrique. Il y a du Sartre dans cet épisode. Le huis clos est insoutenable. « L’enfer, n’est-ce pas l’autre ?». Le drame ne tient qu’à un fil. L’instinct de survie ou le hasard, l’emporte. Le jeune homme se rétablit. Le jeune homme à peine valide, les responsables villageois le sollicitent pour réparer un engin tout terrain (il était autrefois mécanicien avec son père). Pendant ce temps, en catimini, son compagnon et aide-soignant obligé, prépare sa fuite, en accumulant vivres et essence.
         Au hasard d’une partie de pêche, comme Robinson découvrant des vivres, ce Robinson des neiges, déniche une voiture, dans une maison abandonnée, en bonne état de marche et du carburant.
        Comme son compagnon, penaud et dépité, a échoué dans sa fuite solitaire, la délivrance pour eux deux, et en unissant leurs forces cette-fois-ci, viendra de ce véhicule, dès le dégel.
       Ce roman dépouillé a plusieurs mérites : montrer l’égoïsme de certains individus, devant l’incertitude des lendemains, la solidarité affichée d’autres, l’attrait de l’élément féminin dans un lieu isolé, l’intelligence et la ténacité de l’homme pour survivre et, par-dessus tout, le « poids » énorme de la nature quand les éléments de déchaînent.
       Et que dire de la litanie de ces prénoms : Joseph, Jonas, Jean, José, sorte de Je en miroir, car je est important, quand il faut sauver sa peau….
       Et puis, ce beau roman touche à plusieurs mythes et ouvre, de fait, plusieurs voies. Le plus évident celui de Robinson Crusoé, isolé sur son île, puis, celui de l’arche protectrice de Noé avec la maison engloutie par la neige, la théorie existentialiste du Huis Clos de Sartre « L’enfer, c’est les autres » et celui du Radeau de la Méduse où le radeau, ici, est un véhicule à essence.

                                Quoi qu’il en soit, en tissant son roman autour du froid constant, de la férocité du blizzard, de  l’obscurité (l’électricité étant coupée),  de la souffrance et de la solitude dans l’hiver canadien, n’est-ce pas un hymne à la neige, à la nature hostile, que nous livre, ce jeune auteur québécois de talent ?

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          Christian Guay-Poliquin est un jeune écrivain québécois. Il est né en 1982 à Saint-Armand.
         Après des études supérieures en littérature à l’université du Québec à Montréal, il obtient une mention d’honneur à la maitrise en Etudes littéraires.
Ce doctorant à l’université de Champagne, publie Le fil des kilomètres (Ed. La Peuplade), 1er roman remarqué par la critique et en 2017, un 2ème roman, Le poids de la neige, qui remporte aussitôt, entre autres, le prix de littérature des collégiens, Le prix France-Québec et le Prix littéraire du Gouverneur général.
      A l’évidence, un écrivain prometteur.
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